Karhunkierros, le Chemin de l'Ours

Le chemin de l'ours, Karhunkierros en Finlandais, est le sentier de randonnée qui se trouve au nord de la Finlande, proche de la commune de Kuusamo, à la frontière de la Russie et de la Laponie et à la limite du cercle polaire arctique. D'une longueur de 82km, le Karhunkierros se pratique en 4 ou 5 jours et fait partie des chemins de randonnée faciles car les dénivelés sont relativement réduits et le portage se résume à la nourriture grâce au fantastique réseau de refuges Finlandais jalonnant la piste de l'ours.

Jour 1 : Nous arrivâmes à l'aéroport à 10:00, Philippe n'était point là.

Nous arrivons à l'aéroport à 10:00, Philippe n'est point là. Nous apprenons qu'une inondation (dans sa salle de bains) l'a retenu. Enregistrement rapide au guichet Business Gold Premium de Finnair à 10:40 (On parle anglais au guichet, histoire de se la jouer).

(La photo c'est pour la frime car les finlandaises sont en général plus bustées)

Munis de la presse économique internationale complète (y compris l'Humanité, c'est pour dire), cette dernière tape dans l'oeil d'une asiatique maquillée, qui s'avère plutôt australienne après vérification, représentante en vins australiens, partie pour Helsinki étudier l'architecture (en fait nous n'avons rien compris a ce qu'elle faisait là et comme nous n'allions pas à Helsinki...)

Finalement l'avion part à 13:10, avec une heure de retard. Le poker verson hold'em est lancé sous le tutorat de Philippe et la presse économique internationale mise en miettes pour servir de jetons de poker... Plateau repas, premières Lapin Kulta (c'est le mot finlandais pour dire bière), premières boulettes mais point de dessert.

L'avion descend vers Helsinki tandis que l'inquiétude monte quand l'hôtesse annonce qu'il faudra nous présenter au comptoir de correspondance. Dès à présent, nous savons que la correspondance sera difficile.

Une finlandaise typique (un peu comme sur le photo, simplement un peu plus bustée, comme nous le disions plus haut) nous annonce :

  1. que nous embarquons sur le vol de 19:00 (au lieu de 16:30). Finnair nous prête quand même un téléphone pour que nous puissions modifier la réservation de notre taxi. Il faut bien s'occuper !
  2. qu'elle nous propose quatre coupons de 6 euros pour oublier... 4 ? Voudrait-elle se joindre à nous ? Pas question, nous préférons conserver notre précieux coupon !

Cela tombe bien, il y a un pub juste en face. Enfin les vacances commencent...

24 euros de bière plus tard, décollage puis Poker dans le petit avion à hélices où nous occupons les quatre sièges face à face à l'avant, comme à la grande époque de l'aéropostale. Les grands espaces et les forêts de sapin défilent sous nos yeux. Il y a des sapins partout et le poker va bon train (même si l'hôtesse essaie de nous piquer nos billets de 500 euros découpés soigneusement dans l'Huma !).

Arrivée à l'aéroport de Kuusamo : l'horreur, nos sacs à dos ne sont pas là.

Notre chauffeur de taxi - lui nous l'avons retrouvé - nous guide dans les méandres de l'aéroport de Kuusamo (500 m2 toilettes comprises) jusqu'au chef répondant au surnom de Kon Hard, à l'anglais limité mais à l'esprit affuté, il nous enseigne les premières blagues de finlandais (tu ne pointeras pas mon ami...).

Arrivée triomphale à l'hôtel Sokos de Kuusamo en taxi (18 euros), mais Nicolas est inquiet. Le style est soviétique et le parking est presque complet (6 voitures). Pourtant, nous n'avons pas passé la frontière. Quoique ?

Après 5 minutes d'installation dans la chambre (Nicolas choisit d'office le grand lit sur le ton "bon je me dévoue je prends ce lit"), nous nous attablons dans le restaurant de l'hôtel et choisissons des plats finlandais typiques répondant à la dénomination incompréhensible de "tapas".

A notre grande surprise, un premier moustique vient succomber d'un coma éthylique dans le verre de vin espagnol de Philippe. Questions et doutes : y a-t-il des moustiques en Finlande ? Pour nous convaincre de l'absurdité de cette supposition, nous décidons courageusement d'entreprendre une ballade digestive dans l'hypercentre de la mégapole de Kuusamo. Philippe sort son nouvel appareil numérique couleur Canon Z99XI pour photographier en plein soleil la majestueuse (Eglise) Cathédrale avec son horloge indiquant précisément 11 heures (23 heures quoi !). A cette heure tardive, ce n'est pas un moustique qui vient nous rendre visite mais... des millions. Philippe allume cigarette sur cigarette pour tenter de les chasser, sans succès.

Nous rentrons rapidement à l'hôtel vérifier si les rideaux ferment bien (la chambre est au nord, donc en plein soleil).

Karhunkierros, nous voilà !

Jour 2 : Nous n'avons pas d'autre choix : supermarché, crèmes ou répulsifs anti-moustiques

Les piqures dans la peau, nous n'avons pas d'autre choix : supermarché, crèmes et répulsifs anti-moustiques. 22 euros seront dépensés pour éradiquer la vermine volante ; c'est aussi l'occasion d'acquérir 6 saucisses finlandaises dont nous ne réalisons pas encore l'importance.

Le petit déjeuner est frugal, la madeleine de Proust nous fait pitié, notre imaginaire est bien plus développé. Les boulettes de viande coulent à flot et même le hareng nous tente (beurk !). Nous retrouvons notre chauffeur de taxi à la conversation toujours aussi passionnante. Nous lui disons : Hautajärvi. Il nous répond : Meuhh.Ce sera son dernier mot. Il est 8 heures.

Nicolas aperçoit nos 2 premiers rennes ; perdu, il va devoir payer l'apéro. Une heure de route en plus et 110 euros de moins, nous humons l'air de Hautajärvi, point de départ de notre expédition. Evidemment, nous aurions pu prendre le bus, mais nous n'aurions pas vécu ce moment social intense.

Enfin nous attaquons ! Le chemin est roulant et les deux premières heures, à travers les marais, sont très agréables et dépaysantes. Comment les décrire ? Tout simplement en imaginant quelques planches de bois négligemment jetées en travers d'une étendue marécageuse où nagent quelques crocodiles... L'idée est là même si nous ne voyons pas de crocodiles. Il pleut un peu, c'est sensible, ces petites bêtes là...

Philippe décide de s'arrêter dans un abri de jour et je me demande bien pourquoi. L'endroit semble idyllique, mais l'ennemi a déjà pris position et nous attaque sauvagement, malgré notre arsenal local anti-moustique, serpentins fumigènes & bombes anti-couche d'ozone acquises le matin même mais aussi, préalablement, Au Vieux Campeur.

Finalement, seuls les chapeaux du Vieux résisteront - peut-être font-ils peur aux moustiques ?

Un pssssst vers les bzzzzzz, et aussitôt les représailles : le ciel se déchaine, Zeus se fâche... la lutte sera rude, nous serons asphyxiés, noyés et submergés mais... les moustiques aussi. Gnarf gnarf gnarf...

Une délicieuse saucisse fumée vient célébrer cette première victoire.

Un premier café est dilué dans l'eau jaunâtre de la rivière, ce n'est que plus tard dans la nuit que nous comprendrons notre erreur (voir l'épisode sur la chaudière).

Equipés de notre tenue anti-pluie complète, nous arrivons avec soulagement au refuge de Savilampi.

Les 2 chambres sont occupées, Philippe propose donc naturellement de continuer, malgré la pluie battante. Courageusement, Nicolas et Philippe imposent de jeter l'éponge, choix très judicieux car très rapidement, après avoir agité nos chaussettes, la chambre des russes (deux mecs, pas des blondasses...) se libère. 2 secondes plus tard, nos sacs et chaussures occupent tout l'espace.

Le temps est venu de faire une petite balade... Nous partons à la découverte des gorges et nous gravissons les marche d'un immense escalier. Cette partie du Karhunkierros est relativement fréquentée et très confortablement aménagée.

Les gorges sont réellement très impressionnantes ainsi que les ponts suspendus. Après le pont, le Karhunkierros continue vers la gauche tandis que l'escalier de droite amène au dessus des gorges.

Pour l'instant, nous allons faire une petite ballade sans les sacs, légers, légers...! Une petite heure de pur plaisir !

En plus, la pluie ne tombe plus. Evidemment, les moustiques sont de retour. C'est la vie !

Tranquillement assis dans le refuge, nous voyons arriver 2 finlandais que nous observons avec délectation. Malgré la pluie, ils décident de rester dehors et allument un feu avec l'aide du briquet de Philippe. Nous admirons le style et les chaussettes qui pendouillent au dessus des flammes. Vont-elles prendre feu ?

La nuit

  • Version Nicolas : nous saluons tous les tchèques, alémaniques et autres belges pour nous retirer dans notre chambre. Je le couche à 9 heures et c'est le noir complet jusqu'à 5 h 30 où à ma grande surprise mes camarades sont debout et actifs malgré leur triste mine. Il m'a semblé dans mon sommeil que j'entendais Philippe pester et fouetter partout.
  • Version Philippe : Je me couche à 21 heures. Vers 23:30, une chaudière de 3 500 Watts démarre et émet un souffle régulier, chaud, puissant et insupportable. Je tire le sifflet, tout s'arrête, je me rendors, la chaudière redémarre, je tire le sifflet, tout s'arrête, je me rendors, la chaudière redémarre, je tire le sifflet... Les heures défilent, à 2 heures, je prends mon livre et ma lampe frontale et renonce à arrêter la machinerie infernale. La nuit prochaine, je m'armerai en conséquence (n'oublions pas que nous ne sommes pas loin de la Russie).

Jour 3 : Tellement heureux de découvrir l'extrême propreté des toilettes, Philippe trébuche de joie...

A son réveil, Philippe est tellement heureux de découvrir l'extrême propreté des toilettes qu'il en tombe de joie et de fatigue, les pieds emmêlés dans ses lacets. Heureusement, l'appareil photo est indemne !

Il faut souligner que la conception est parfaite : certes, il ne s'agit finalement que d'un trou mais avec quelques petits gadgets bien utiles : un couvercle pour éviter les odeurs, un sac de sciure à lancer sur les déjections pour éviter les effluves, et une véritable lunette de WC en polystyrène. Le grand luxe !

Pas un bruit dans le campement, les campeurs abrutis par l'alcool et la drogue ne se réveilleront pas, si ce n'est pour applaudir notre départ, mais beaucoup plus tard... Nous enchainons les ponts de singes un à un. Nous croisons un couple tchéco-finlandais, qui pour fuir la machine infernale, est allé dormir au refuge suivant, 4 kilomètres plus loin.

Le terrain est roulant, mais la forêt finlandaise est peu entretenue. Des arbres tombés partout. On voit qu'ici les feux de forêts ne sont pas fréquents !

Nous arrivons à Ansakamppa. Le refuge est juste au bord de la rivière et il est composé d'une seule pièce. Deux jeunes filles l'occupent, nous avons donc amplement de la place. Le ciel est couvert, il fait froid... 16 degrés peut-être ? Et l'eau doit être à 14 ou 15 degrés. Deux randonneurs, 25 ans environ, arrivent, et plantent la tente au bord de l'eau. Et soudain, plouf. Nous accourons. Que s'est-il passé ? Eh bien, mademoiselle est tranquillement en train de nager dans la rivière... Nous la regardons avec étonnement, mais sans nous éloigner du feu, ça caille, tout de même !



Jour 4 : Temps magnifique, il pleut à peine. Nous traversons un marais puis un lac dans lequel nous découvrons un cygne blanc.

Réveil à 7:10. L'heure est tardive mais la nuit a été profonde car les ronflements ont déménagé de l'autre côté sous nos coups répétés.

Temps magnifique, il pleut à peine. Après un petit déjeuner continental nous démarrons notre route.

Nous traversons un marais puis un lac dans lequel nous découvrons un cygne blanc.

Subrepticement surgit devant nos yeux ébahis un refuge en bois duquel s'extrait délicatement un short enserrant une jolie finlandaise. Malgré cette perturbation, nous continuons notre route et découvrons enfin un animal qualifié d'âne par Philippe qui s'avère probablement être une renne femelle.

Jussinkamppa.

Le chemin s'élève dans la forêt pour nous faire traverser un marais avant de nous faire redescendre vers le Kitkanjokki. C'est ici que Philippe découvrira son 2ème renne aux bois fabuleux grâce au zoom 64x.


Quelques centaines de mètres plus loin, un refuge de jour. "Pourquoi nous arrêtons- nous ?", demande Nicolas, selon une tradition à présent bien établie. Philippe ne prend pas la peine de répondre, et Philippe non plus. Nous allumons un feu de cuisson pour chauffer la soupe au pistou. Nous nous en imprégnons avec délectation tellement elle est délicieuse.

Arrivés au dessert, la vérité s'impose. Les finlandaises ne connaissaient pas les dattes et il ne s'agit pas là d'un bon hameçon.

Quelques kilomètres plus tard, nous arrivons à la Tupa de Savilampi. Continuons-nous jusqu'à l'hôtel de Juuma (basecamp Oulanka) ? Non, nous n'avons pas envie de nous retrouver en pleine ville. Petite, la tupa, mais fonctionnelle... Les pâtes cuites au feu de bois chauffent doucement tandis que nous terminons notre bouteille de whisky (le pastis est fini depuis longtemps). La sauce aux champignons mijote même si nous n'avons pas de cuillère en bois... Ce diner marquera les esprits et nous y pensons encore tandis que nous dégustons un thé à la cannelle.

La chute d'eau coule toujours et les mulots nous encerclent. Nous avons bien fait de renoncer à l'hôtel.


Jour 5 : Arrivée triomphale en sac à dos et rangers dans le 4 étoiles


Après une arrivée triomphale en sac à dos et rangers dans le 4 étoiles, la vérité cruelle s'offre à nous : il n'y a plus de chambre libre à l'hôtel.

Tels des réfugiés, nous sommes remisés dans l'appartement 853 et comble de l'horreur le magasin d'alcool est fermé ; nous n'aurons pas de bière ce soir !

Après un sauna réparateur, nous attaquons notre premier repas chaud depuis 5 jours (Nicolas, tu racontes n'importe quoi là...).

Des vieux en jogging écument le buffet à salades. Heidi, 85 kg, blonde, serveuse de son état, nous fraye un passage jusqu'à notre table. Nous attaquons avec nos mains le gibier et autres poulardes offerts à nous par Heidi, et lui arrachons des rasades de vin italien pour décupler notre joie. Qu'il est bon de se retrouver comme à la maison.

Jour 6 : Glande !

Le jour nécessaire dans toute randonnée, celui de la récupération ou, dans certains cas, celui qui permet de récupérer une journée passée au refuge à regarder tomber la pluie ou la neige...

Mais non, en Finlande rien de tout cela, nous profitons donc de notre duplex en toute simplicité et pour rester dans le vent regardons le saut à skis...

Jour 7 : retour !

Il faut rentrer... Le bus Finnair nous conduit de Rukka à l'aéroport.

Snif, déjà fini !